Le chien, comme un « caregiver » fidèle dans les traumatismes.
Le chien, comme un « caregiver »
fidèle dans les traumatismes.
Depuis des temps immémoriaux, l’homme a tissé un lien singulier avec le chien, cet être
qui incarne des valeurs fondamentales telles que la fidélité, la bienveillance et la
promesse d’un amour inconditionnel. Cette relation profonde est perçue comme une
source de stabilité et de confiance, une oasis de sincérité dans un monde dominé par
l’appropriation et le pouvoir.
Dans ce contexte, la simple présence d’un chien peut aller bien au-delà du simple
réconfort ; elle peut représenter un refuge émotionnel, un antidote contre le tumulte de
la vie moderne.
« L’individu se tourne vers l’être animal quand il ne retrouve plus de reconnaissance ou est
déçu de sa propre espèce. Pourquoi ? Probablement car l’animal n’a pas de trajectoire
idéologique définie et orientée. Il a simplement eu les besoins primaires pour son
développement et après il a fait en sorte de cohabiter avec son environnement au lieu de
vouloir le dominer. » Clémentine
Et si la relation avec nos fidèles compagnons à quatre pattes offrait un baume pour
apaiser les tourments de l’existence ?
Surtout pour ceux qui ont été marqués par des traumatismes ou des pertes qui ont
ébranlé leur lien avec ce monde. Et puis, pour ceux d’entre nous qui se questionnent
ouvertement : quel est notre dessein sur cette terre ? Vivre pour ensuite retourner à la
terre ? Nous qui n’avons pas choisi notre venue, mais sommes confrontés à ce monde altéré
et souvent impitoyable, injuste et déroutant ? C’est une réalité souvent brutale, surtout
pour les plus jeunes qui découvrent la dureté de la vie dès leur arrivée.
Arnaud
J’ai croisé la route d’Arnaud, un jeune homme de 17 ans, dont le chemin de vie a été
marqué par une série de ruptures douloureuses, depuis les déceptions et les angoisses
jusqu’aux traumatismes de maltraitance subis dès son plus jeune âge. Depuis qu’il a été
placé à l’âge de 3 ans, Arnaud n’a jamais eu la chance de construire des relations solides
ni de trouver une figure d’attachement stable.
La gestion de ses émotions est devenue un véritable défi pour Arnaud. Dépourvu de
bases socio-émotionnelles stables, il peine à contenir sa colère ou à exprimer son
enthousiasme. Les séquelles de son parcours tumultueux semblent se manifester au
quotidien, laissant entrevoir des symptômes de stress post-traumatique.
C’est alors que m’est venue l’idée de l’emmener à une séance de médiation par animal.
L’intuition me disait que cette approche pourrait lui apporter un soutien unique. Les
interactions avec les animaux, en particulier les chiens, offrent un espace sûr où Arnaud
peut explorer et comprendre ses propres émotions. Imaginez-le, assis aux côtés d’un
chien doux et bienveillant, capable de percevoir ses sentiments sans porter de jugement,
lui offrant simplement sa présence réconfortante. Dans ce cocon sécurisé, Arnaud peut
progressivement apprendre à réguler ses émotions, à identifier les sources de stress et à
développer des stratégies pour y faire face. Chaque séance de médiation par animal
devient ainsi une opportunité précieuse pour renforcer sa confiance en lui, améliorer
son estime de soi et cultiver un bien-être émotionnel durable.
J’ai été témoin de la transformation d’Arnaud. Petit à petit, il a retrouvé le goût d’aimer,
de savourer l’instant présent. Il riait, courait et jouait avec le chien, retrouvant ainsi une
part de son innocence perdue. Dans sa quête de détachement vis-à-vis des humains qui
n’ont pas su répondre à ses besoins fondamentaux, le chien est devenu son caregiver.
Son guide, vers la résilience.
Laura
Parlons de Laura, cette jeune fille dont le destin a croisé le mien en 2023. À seulement 15
ans, elle porte le poids d’une histoire aussi sombre que celle d’Arnaud, une histoire que
je n’oserais pas révéler de peur d’outrepasser le respect de son vécu. Pour échapper à
ses démons, Laura s’est réfugiée dans la consommation de marijuana dès l’âge de 12 ans.
Les traumatismes qu’elle a endurés la tourmentent au quotidien, provoquant chez elle
des crises de panique récurrentes. La nuit, le sommeil lui échappe, laissant son esprit
errer dans les ténèbres, et elle se trouve contrainte de recourir à des médicaments à
base de mélatonine pour espérer trouver un peu de repos, en vain.
Grâce à la clémence de son oncle et après de nombreuses demandes, Laura a enfin
obtenu son chien. À cet instant précis, elle décide d’arrêter son traitement
médicamenteux et de mettre fin à sa consommation de marijuana, retrouvant ainsi le
désir profond de vivre. De plus, Laura parvient désormais à dormir paisiblement chaque
nuit, sans recourir à aucun traitement médicamenteux. En effet, l’arrivée du chien a eu
un effet thérapeutique indéniable sur elle. Aujourd’hui, elle se consacre pleinement à son
projet professionnel et à sa reconstruction identitaire.
C’est extraordinaire de constater que la présence du chien a eu un impact clinique si
significatif sur la santé mentale et le bien-être de ces deux jeunes, en un temps record.
Une explication psychologique peut-être à l’origine de ce phénomène. La psychologie
suggère que la sécrétion d’ocytocine est associée aux comportements d’attachement
social, ce qui lui vaut son surnom d’« hormone de l’amour ». Le taux de sécrétion par
l’organisme peut varier en fonction des expériences de vie. Par exemple chez les
personnes ayant vécu des expériences traumatisantes, la production d’ocytocine peut
être altérée. Les traumatismes peuvent entraîner des perturbations dans le système
neurobiologique, y compris la régulation de l’ocytocine. Dans certains cas, cela peut se
traduire par une diminution de la sensibilité à cette hormone, ce qui peut affecter les
relations sociales et le bien-être émotionnel.
Lorsqu’une personne se sent bien en compagnie d’un chien, cela peut être associé à la
libération d’ocytocine, un neurotransmetteur favorisant les sentiments de bien-être, de
calme et de lien social. Ce lien avec la figure d’attachement est particulièrement
intéressant, puisque des effets similaires sont observés chez le nourrisson en présence
de sa figure d’attachement primaire, généralement la mère. Il est alors possible que dans
le cadre d’une restauration ou d’une reconstruction de son identité, le chien puisse jouer
le rôle de caregiver, favorisant ainsi la résilience. Cette perspective offre une alternative
extraordinaire et transforme la relation avec les chiens, en s’éloignant de
l’anthropomorphisme.
En synthèse, le chien, en tant qu’expression de cette hormone, contribue en réalité au
bien-être social et émotionnel des personnes marqués par des expériences
traumatisantes.
Déçu par les interactions humaines et ne découvrant pas auprès de ses semblables le
réconfort affectif qu’il recherche, une personne recherchera l’autre en se recherchant en
réalité soi-même. Il trouve refuge en un être qui incarne son idéal, son « grand Autre ».
Le chien, en sa qualité de compagnon fidèle, peut être perçu comme un médiateur
bienveillant entre l’individu et le « grand Autre ». Il offre une présence réconfortante et
dénuée de jugement, apportant un soutien émotionnel indispensable pour traverser les
attentes sociales imposées par ce grand Autre. En tant que lien entre l’individu et le
monde extérieur, le chien crée un espace sécurisé où la personne se sent accepté et aimé,
malgré les déceptions ou l’isolement ressenti dans ses relations avec ses pairs humains.
Les bienfaits des chiens sur notre bien-être mental sont indéniables : ils encouragent
l’exercice physique, participent à la guérison de nombreuses affections, apaisent le
stress et la dépression, et sont même liés à une réduction du risque de mortalité.
Il est impératif d’explorer de nouvelles approches dans nos pratiques professionnelles,
même si cela implique de sortir de nos zones de confort, quel que soit le public que nous
accompagnons, que ce soit dans le domaine de la petite enfance (crèche,écoles), des
hôpitaux, des EDS/MDS, des EHPAD, des MECS, des foyers, etc. En avant, donc !
Auteur : Sofiane MADI
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