1. Pour commencer, pourriez-vous nous donner votre définition du travail social ?

Laura BOISSINOT : « Le travail social reflète le passage d’un regard qui dévisage à un regard qui envisage’ (J. COCTEAU). Il s’agit d’écouter et de comprendre les individus pour aider à voir au-delà des difficultés immédiates, en ouvrant des perspectives nouvelles pour une vie meilleure. »

2. Vous êtes Educatrice Spécialisée depuis 2014. Comment décririez-vous votre métier ? (Champs d’intervention, missions, …)

Laura BOISSINOT : « Mon métier consiste à accompagner des personnes de tous âges qui se trouvent en situation de fragilité, de vulnérabilité ou de détresse, due à des handicaps, des troubles du comportement, des difficultés sociales ou familiales. J’ai travaillé dans les trois grands champs du travail social : protection de l’enfance, handicap, insertion. Mon rôle est de fournir un soutien adapté qui respecte leurs aspirations et renforce leur capacité à prendre des initiatives et à réaliser leurs projets de vie. »

3. Quels types de formations sont nécessaires pour devenir Educatrice-Spécialisée ? Avez-vous des domaines d’expertise spécifiques ?

Laura BOISSINOT : « Une formation spécifique est requise, un Diplôme d’État d’éducateur spécialisé (DEES). Cette formation couvre des aspects théoriques et pratiques incluant la psychologie, la sociologie, le droit… Elle inclut également des stages qui permettent de mettre en pratique les connaissances acquises et de se familiariser avec divers environnements professionnels. Avec les années, mes domaines d’expertises tournent autour des pratiques inclusives dans le travail social. J’ai développé des expertises spécifiques autour du genre et des violences de genre, de la bientraitance autour de la vie affective et sexuelle des personnes. »

4. Auprès de quel public intervenez-vous et pour quels types de besoins les personnes sont-elles amenées à vous solliciter ?

Laura BOISSINOT : « J’accompagne principalement des personnes victimes ou auteur.ices de violences conjugales. Ces personnes me consultent pour trouver un soutien émotionnel et pratique, pour sécuriser leur environnement, et pour aborder les implications légales de leur situation. L’objectif est de les aider à retrouver un sentiment de sécurité et de contrôle sur leur vie, tout en les accompagnant dans la réalisation de leurs besoins. Mon accompagnement vise à les aider à restaurer leur autonomie et à envisager un avenir exempt de violence, en leur fournissant les outils et le soutien nécessaires pour briser le cycle de la violence et reconstruire leur vie, et en les orientant vers les partenaires adaptés. »

5. Comment établissez-vous une relation de confiance avec vos bénéficiaires ?

Laura BOISSINOT : « Pour établir une relation de confiance avec mes bénéficiaires, je respecte profondément tous leurs choix, y compris ceux qui peuvent sembler controversés ou inhabituels. Je m’assure de ne jamais agir à leur place ni sans eux, et j’adapte mon accompagnement à leur propre rythme. En adoptant une approche basée sur le non-jugement, je m’abstiens d’imposer mes propres choix, ce qui leur permet de se sentir écoutés, respectés et autonomes dans leurs décisions (du moins, je l’espère !). »

6. Comment travaillez-vous en collaboration avec d’autres professionnels de la santé ou du social ?

Laura BOISSINOT : « Je travaille en collaboration étroite avec d’autres professionnels de la santé et du social en maintenant une communication ouverte et régulière. Nous partageons les informations nécessaires, après accord de la personne, et nous rencontrons périodiquement pour coordonner nos actions. Dans ce processus, je m’efforce de comprendre le rôle et les contraintes de chaque partenaire, et je m’adapte à leurs limites et exigences spécifiques. Cette approche nous permet de développer des stratégies de soutien qui répondent de manière efficace et adaptée aux divers besoins des bénéficiaires, tout en prenant en compte les différentes perspectives de chaque professionnel. »

7. Pouvez-vous partager une expérience où votre travail a eu un impact significatif sur la vie d’un individu ou d’une famille ?

Laura BOISSINOT : « Une expérience particulièrement marquante dans mon travail a été l’accompagnement d’une femme en situation irrégulière, victime de traite d’êtres humains, d’excision et de violences conjugales. Elle se sentait piégée dans sa situation, ne pouvant pas partir faute de ressources et se sentant coupable en raison de l’emprise subie. Nous avons eu de nombreuses rencontres pour identifier et mobiliser les ressources et relais nécessaires. Grâce à un travail et ce lien de confiance, elle a pu aborder les différentes problématiques de sa vie, déposer plainte, trouver un hébergement sécurisé, obtenir un emploi et régulariser sa situation administrative. Depuis trois ans, elle m’écrit chaque mois pour me donner des nouvelles de sa nouvelle vie, ce qui témoigne de l’impact profond et durable de notre collaboration sur son parcours de reconstruction et d’émancipation. »

8. Quelles sont les tendances émergentes ou les évolutions dans le domaine du travail social dont vous êtes consciente ?

Laura BOISSINOT : « Il y a une augmentation de la demande pour les services sociaux, en raison d’une meilleure identification des problématiques sociales grâce à une plus grande sensibilisation. Cela met en évidence le besoin urgent d’élargir et de renforcer les ressources disponibles. De plus, face au manque de moyens, de nombreuses organisations de travail social cherchent des sources de financement alternatives, incluant des partenariats avec le secteur privé, des financements participatifs, et des subventions de fondations privées. L’innovation sociale devient essentielle, avec le développement de nouveaux modèles de service, l’utilisation de la technologie pour atteindre des populations éloignées, et des approches personnalisées pour répondre aux besoins spécifiques des personnes. Enfin, le recours aux professionnels du social exerçant en libéral répond à la nécessité de services spécialisés et à un manque de ressources internes. Ces professionnels augmentent ainsi la flexibilité et la capacité de réponse des établissements sociaux et médicosociaux, favorisant une collaboration interdisciplinaire et améliorant l’accessibilité des services dans des zones géographiquement isolées ou sous-desservies. »

9. Comment le travail social s’adapte-t-il aux besoins changeants de la société et aux nouvelles technologies ?

Laura BOISSINOT : « Le travail social s’adapte continuellement en intégrant de nouvelles technologies et en innovant dans ses approches pour répondre aux besoins changeants de la société. Cela peut inclure le développement de plateformes en ligne pour fournir un soutien à distance, l’utilisation de bases de données pour mieux coordonner les services, et la formation continue des travailleurs sociaux pour qu’ils restent à jour avec les nouvelles pratiques et outils. »

10. Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui souhaiterait prendre rendez-vous avec un travailleur social libéral mais qui n’ose pas ?

Laura BOISSINOT : « Si vous hésitez à prendre rendez-vous avec un travailleur social en libéral, voici quelques conseils pour vous aider à franchir le pas en toute confiance :

1. Reconnaissez la valeur de votre démarche : Décider de consulter témoigne d’un grand courage et d’une réelle responsabilité envers vous-même. Soyez fier de cette initiative.
2. Commencez simplement : Pensez au premier rendez-vous comme une conversation initiale pour évaluer votre confort avec le professionnel, sans engagement à long terme.
3. Organisez vos pensées : Écrire à l’avance ce dont vous souhaitez parler peut vous aider à garder le contrôle de la conversation et à vous assurer que vos préoccupations principales sont abordées.
4. Rappelez-vous votre liberté de choix : Si la relation ne répond pas à vos attentes, il vous est toujours possible de changer de travailleur.euse social.e.

Approcher cette démarche avec ces points à l’esprit peut vous donner confiance et vous assurer que vous faites le bon choix pour votre bien-être. »