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INTERVIEW : Du burn-out au bilan de compétences : être accompagné dans toutes les étapes clés de sa vie professionnelle

INTERVIEW : Du burn-out au bilan de compétences : être accompagné dans toutes les étapes clés de sa vie professionnelle

Assistante Sociale, Laura GAZZOLI – Youner – Interview

1. Pour commencer, pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?

Laura Gazzoli : Je m’appelle Laura GAZZOLI, j’ai 35 ans et je vis en Bretagne. J’ai une licence de sociologie, un master en sciences de l’éducation, et un DEASS que j’ai obtenu en 2017. J’ai principalement travaillé dans des ESMS (IME, ITEP, SESSAD, SAVS, CRP). Je me suis spécialisée dans le conseil en mobilité professionnelle, la santé au travail et l’inclusion de tous les talents dans l’emploi.

2. Vous êtes assistante sociale depuis 2017, aujourd’hui vous avez créé votre cabinet « GIOIA Conseil » comment l’idée du travail social libéral vous est venue et pourquoi ce nom ?

Laura Gazzoli : C’est grâce à un burn out que j’en suis arrivée au libéral. En juillet 2022 j’ai enfin écouté ma petite voix intérieure qui m’alertait depuis des années sur le fait que je m’épuisais à être en dehors du chemin qui me convient. J’ai été arrêtée par mon médecin qui a diagnostiqué un début de dépression à la suite d’un burn out. Cette pause m’a permis de prendre soin de moi, et de réfléchir à ce que je suis et ce que je veux.

J’ai alors fait un bilan de compétences qui m’a permis de me rendre compte que j’adore trop mon métier d’assistante sociale pour l’arrêter. J’aime cette posture d’écoute, d’empathie et d’analyse des situations sociales. Je tiens énormément aux valeurs de solidarité, de bienveillance, de respect et de tolérance qui animent le service social, et le travail social en général.

De plus, j’ai pris conscience que mes besoins personnels n’étaient pas compatibles avec un travail en institution. J’ai aussi réalisé que j’avais les compétences pour être mon propre patron, alors go : je me suis lancée en libéral. Entre le moment où l’idée a germé dans ma tête et le moment où j’ai eu ma première cliente, il s’est passé presque une année pendant laquelle le projet s’est construit petit à petit, pas forcément dans l’ordre conseillé mais à mon image !

Pourquoi mon cabinet se nomme GIOIA Conseil ? Cette question revient souvent. Je sais qu’il n’est pas aisé de le dire, ni de l’écrire, et c’est normal pour les non italophones : « gioia » (prononcé « djoya ») signifie « joie » en italien. C’est un mot auquel je tiens beaucoup, car il fait partie de mes racines. Telle une madeleine de Proust, « gioia » me ramène avec nostalgie et douceur dans mes souvenirs d’enfance auprès de ma chère grand-mère italienne. Ce terme m’apporte de la force, de l’amour et de la confiance en moi. J’ai choisi de transmettre cet héritage à ma clientèle en nommant le cabinet ainsi.

3. Vous avez récemment obtenu le titre de conseillère en bilan de compétences. Pourriez-vous nous expliquer pour quels motifs les personnes sont amenées à réaliser un bilan de compétences ?

Laura Gazzoli : Les personnes qui me rencontrent en rendez-vous d’information partagent toutes une envie de changement, que ce soit dans leur rapport à elles-mêmes que dans leur vie au travail. Parfois, ce changement est subi, involontaire. Je pense aux situations de personnes ayant une inaptitude à leur poste, à qui les services RH proposent de faire un bilan de compétences pour construire un projet de reclassement sur un autre poste de l’entreprise, ou pour préparer un licenciement pour impossibilité de reclassement. Dans ces cas-là, la personne n’a pas le choix que de devoir changer.

Ma posture de conseillère sera d’accompagner cette contrainte avec bienveillance, et de guider la personne dans un chemin adapté à sa situation de santé. J’aime dire que le bilan de compétences est une formation sur soi-même. C’est un chemin d’introspection qui permet de mieux savoir qui on est, ce qu’on veut et ce qu’on vaut, afin de faire des choix personnels et professionnels mieux éclairés. Donc même s’il est « subi », le bilan sera toujours utile à la personne qui le réalise.

4. Au cours du bilan de compétences, quels outils mobilisez-vous afin d’aider les personnes à révéler toutes leurs potentialités ?

Laura Gazzoli : Je suis en partenariat avec un cabinet de conseil en évolution professionnelle qui a créé sa propre méthode, basée sur des outils de coaching professionnel et de développement personnel. Nous avons aussi accès à des tests de personnalités professionnelles établis par des psychologues du travail. J’utilise évidemment en parallèle mes outils d’assistante sociale : ma capacité d’écoute active, mon empathie, mon sens de l’analyse des situations dans leur globalité, mon secret professionnel, et mes connaissances en droit social et droit du travail.

5. A la suite de la réalisation d’un bilan de compétences, quelles sont les différentes issues possibles ?

Laura Gazzoli : Un bilan de compétences peut avoir pour objectif de penser un projet d’évolution professionnelle (évoluer en interne de son entreprise, changer d’employeur, valoriser ses compétences sur le marché de l’emploi, faire une VAE, voire se reconvertir dans une autre voie…), mais aussi de s’inscrire dans une démarche de développement personnel et de recherche d’équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Le plan d’action que nous co-construisons avec la personne doit être SMART : Spécifique, Mesurable, Atteignable, Réaliste, et Temporellement défini. Je retrouve une méthodologie proche de celle enseignée en formation d’ASS.

6. Vous intervenez également au sein des entreprises. Pourriez-vous nous expliquer le rôle d’une assistante sociale en entreprise ?

Laura Gazzoli : L’objectif de mon accompagnement est de prévenir les risques psychosociaux et la désinsertion professionnelle. La désinsertion professionnelle est le terme utilisé pour désigner le processus d’exclusion de l’emploi, majoritairement pour des raisons de santé.

Le rôle de l’ASS est de permettre le maintien dans un emploi adapté à la situation de santé de chaque personne, en lien avec le service de prévention et de santé au travail (nouveau nom du service de médecine du travail, depuis la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail).

Concrètement, en accompagnement individuel, je propose du conseil en mobilité professionnelle et/ou un soutien psychosocial lorsque la situation d’emploi est fragilisée, lors de permanence dans les locaux de l’entreprise. En collectif, je propose des ateliers d’informations ou de sensibilisation sur la santé au travail. Je souhaite aussi faire du conseil aux dirigeants en matière d’inclusion de tous les talents dans l’emploi. Je suis en train de me former à l’inclusion des profils dits atypiques, sujet qui me tient à cœur car je suis concernée.

Mon but est de permettre à chaque personne de s’épanouir au travail, et que la société prenne conscience que chaque talent apporte au collectif, car nos singularités sont complémentaires.

7. Le terme de burn-out est aujourd’hui très utilisé dans les médias et la presse. Les définitions sont variées. Quelle est votre définition du burn-out ?

Laura Gazzoli : Je me base sur la formation que j’ai reçu d’Astrid LE FUR, autrice du livre Du burn out au born out, les 7 étapes vers la renaissance (Vuibert, 2022). Dans son livre, elle explique que d’après l’Organisme Mondial de la Santé : « le terme de burn out ou d’épuisement professionnel désigne spécifiquement des phénomènes relatifs au contexte professionnel et ne doit pas être utilisé pour décrire des expériences dans d’autres domaines de la vie ».

De plus, Astrid LE FUR se base sur les travaux de Christina MASLACH, psychologue américaine, autrice du livre Burn-out. Des solutions pour se préserver et pour agir (Les Arènes éditions, 2016), dans lequel elle décrit le burn out comme : « un état psychologique, émotionnel et psychologique de stresseurs variés […] c’est un processus graduel au cours duquel la disparité entre les besoins de la personne et les exigences professionnelles s’accentue ».

D’après cette psychologue, il y a différents facteurs de risques du burn out :

  • les risques liés à l’environnement de travail (le surmenage, le manque de contrôle, le manque de reconnaissance, le manque de support, la perte de confiance, un conflit de valeurs…)
  • les risques liés à des situations de travail (des nouvelles responsabilités, un espoir de promotion, une période de transition professionnelle, une prise de poste, un retour après une absence…)
  • les risques liés à missions spécifiques (management fonctionnel, rôle d’interface entre la direction et les équipes, coordination d’équipe multisites, relation client/public, un projet transverse à plusieurs services…)

Christina MASLACH a aussi établi un test afin d’évaluer le degré d’épuisement professionnel, outil que j’utilise avec ma clientèle.

8. Selon vous, quel est le rôle de l’employeur dans la prévention du burn-out ?

Laura Gazzoli : Vu les facteurs de risques expliqués précédemment, on constate assez facilement que la personne salariée ne peut pas agir seule pour prévenir son burn out.

Le rôle de l’employeur est de mener des actions concrètes visant à améliorer la Qualité de Vie et des Conditions de Travail (QVCT) de ses salariés : par exemple, créer un environnement de travail sain, avec un climat social sain, prévenir les risques physiques et psychosociaux, réduire la pénibilité au travail, etc.

Une des actions de l’employeur peut être de faire appel à un service social du travail, qui va agir en interne pour la prévention des risques psychosociaux, et la prévention de la désinsertion professionnelle.

MAIS, je tiens à sensibiliser sur le fait que des profils de personnes sont à risque, notamment les personnes avec une neuroatypie (TSA, TDAH, HPI, troubles dys…).

Autrement dit, oui l’employeur doit agir en matière de prévention des risques psychosociaux et se former à l’inclusion de tous les profils, mais la personne salariée elle-même doit faire un travail personnel pour mieux connaître ses besoins et ses limites. C’est un travail d’équipe, tout le monde est concerné par la santé au travail.

Je le précise car moi la première j’ai longtemps été en colère contre mes conditions de travail et mes employeurs, jusqu’à ce que je comprenne que j’avais aussi ma part de responsabilité dans la dégradation de ma santé, car je n’ai pas su ni éviter des situations d’emploi qui n’étaient pas compatibles avec mon fonctionnement, ni exprimer mes besoins particuliers à mes managers.

9. Pour terminer, quels conseils pourriez-vous donner à un·e salarié·e qui ne ressent plus d’entrain dans l’exercice de ses missions ?

Laura Gazzoli : Je lui conseillerai surtout de ne pas rester seul·e, et de communiquer sur son ressenti : en parler à des personnes en qui il ou elle a confiance, que ce soit des proches, des collègues ou des professionnel·le·s du soin ou de l’accompagnement. S’exprimer sur sa situation, c’est déjà prendre soin de soi.

Si la personne me choisit pour aborder ce sujet, alors je lui conseillerai de faire un bilan de compétences car c’est selon moi le meilleur outil pour se remobiliser, reprendre confiance en soi, en ses capacités, et construire un projet professionnel qui lui ressemble.


Cette série d’entretiens offre un aperçu précis et professionnel du métier d’assistante sociale, mettant en avant l’expérience et les connaissances de Laura Gazzoli, vous pouvez retrouvez d’autres interview de professionnels du social ici : L’entracte sociale

Retrouvez tous les services de Laura Gazzoli sur Youne : Ses services

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